Cabane
Recherches scénographiques
Cabane, subst. fem : − Pop. ou arg.
1. Maison d’habitation sommaire.
2. Prison. Ils [les gendarmes] m’ont foutu en cabane (Giono, Les Grands chemins,1951, p. 236). 3. Abri pour les animaux. Une cabane à lapins, à poules.
L’étymologie du mot cabane veut dire «petite maison» mais on ne fait pas des cabanes comme on construit des maisons en suivant des plans. Pour une cabane, on se débrouille sur le moment, avec ce que l’on a, on bricole avec des planches, des draps, de la ficelle, des dé- chets. On trouves des chaises, des branches, un arbres tout entier et on invente un monde.
Les cabanes, on s’y abrite et on y voyage. Elles nous protègent et nous exposent à la fois comme le dit si bien, Gilles Tiberghien, philosophe, dans son livre La nécessité des cabanes. Ces constructions sont sou- vent liées à la nature, mais on en trouve aussi en ville dans des lieux retirés, sous des arcades ou des ponts où les SDF peuvent espérer dormir en paix.
«47 % des vertébrés disparus en dix ans : faut qu’on se refasse une cabane, mais avec des idées au lieu de branches de saule, des images à la place de lièvres géants, des histoires à la place des choses.»
Olivier Cadiot cité dans Nos Cabanes, Marielle Macé, Verdier, 2019
S’atteler ensemble à la construction de cabane nous semble être une évidence tant elle est, pour nous, un élé-ment scénographique qui stimule notre imaginaire et pour eux, les détenus, un espace à la fois d’évasion et d’empri- sonnement.
Guidés par Mathilde Gilot et Benjamin Audouard, le projet CABANES a été réalisé au quartier hommes de la Maison d’arrêt de Caen du 16 au 25 août par Garba,Gulkhan, JM, Jonathan, JR, MVS, Omid.
Cette action s’inscrit dans le cadre de la convention régionale Culture / Justice, signée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Normandie, la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires de Rennes, la Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse du Grand-Ouest et la Région de Normandie.
Coordination : Emmanuelle Giraud - Ligue de l’Enseignement Normandie pour le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation du Calvados.
Crédits photographiques : Mathilde Gilot
Texte : Benjamin Audouard
En partenariat avec l’association SMOG, structure porteuse du projet et avec le soutien de la DRAC Normandie.
"Un jour, une voix appela Garba, Gulkhan, JM, Jonathan, JR, MVS, Omid à sortir de leurs cellules pour construire des cabanes. Ces hommes ne se connaissaient que de vues pour certains, que de noms pour d’autres. Se prenant au jeu, ils commençaient à découler du temps ensemble, à imaginer un autre espace, à esquisser des idées, à côtoyer la page blanche, à déplier un lieu à soi. Comme Robinson et Vendredi sur leur île de solitude, ils étaient face à eux-même. Alors, avec les moyens du bord, ils sculptaient à tâtons leurs refuges. Après des erreurs, ils inventaient chacun leurs propres outils, stratégies et techniques pour assembler les matières.
Jour après jour, ils se retrouvaient à chaque fois dans la même pièce à l'abri des curieux lorsque la voix les appelait. C’était l’occasion pour eux d’échanger sur tout et rien à la fois : de la pluie et du beau temps, de la pêche de poisson xxl, du mariage de Laura et Nikola et autres programmes télévisuels.
Une information les inquiétait plus que les autres. Celle du monde qui ne tourne vraiment pas rond. Ils échangeaient sur les feux de forêts, les vents violents, les vagues de chaleur, les inondations et bien d’autres symptômes du mal qui rongent le monde.
À force de regarder la télé tous les jours, ils se demandaient s’il n’en savait pas plus que les gens à l’extérieur mais ils avaient conscience aussi qu’elle ne brillait pas par son intelligence, contrairement aux étoiles qui percent le chaos.
Un jour, l’un d’eux ne répondait plus à l’appel de la voix. Ils avaient chacun l’habitude des absences dans leurs vies. Mais cette fois-ci, ils luttaient face à leurs fantômes en finissant de bâtir collectivement la cabane de leur camarade disparu, comme pour se sauver du déluge."